Sous l'effet combiné des évolutions techniques et de l'élargissement de la gamme, la production de giroflée se renouvelle ces dernières années dans le Var où cette crucifère plutôt rustique s'intègre dans le schéma de développement de la gamme méditerranéenne porté par la filière.
Au SCRADH, quelques 600 m2 de serres et tunnels sont consacrés à l'espèce. La giroflée fait depuis quelques années l'objet d'un vaste programme d'essais qui concerne essentiellement l'évaluation variétale, l'optimisation du calendrier de production, les techniques culturales et la duplicature.
Le principal enjeu pour la filière était la maîtrise du tri de giroflées à fleurs doubles afin de rentabiliser au mieux la production. En effet, en dehors d'une variété existant seulement dans deux coloris, 50 % des fleurs sont des fleurs simples non valorisables. Le SCRADH a donc relevé le défi en mettant au point une méthode de tri des jeunes plants qui permet désormais aux producteurs de travailler avec une gamme de coloris élargie dès l'automne. Si la technique reste difficile à appliquer dans les exploitations où les marges de manœuvre sont limitées, elle donne de bons résultats chez les obtenteurs venus se former au SCRADH qui sont aujourd'hui en mesure de commercialiser une majorité de plants à fleurs doubles. Si la méthode de tri développée par le SCRADH a fait ses preuves, la station poursuit ses travaux afin de simplifier et d'améliorer encore la technique fondée sur l'observation de critères multiples.
Avec une gamme hivernale enrichie de différents coloris, le SCRADH poursuit d'importants essais d'évaluations variétales. Comme l'explique Michel Mallait, technicien de la Chambre d'Agriculture du Var, il s'agit "d'évaluer les aptitudes et les caractéristiques de chacune dans le but d'optimiser et d'élargir la production entre fin octobre et avril et de l'intégrer au mieux dans des systèmes de rotation".
Une relance portée par une démarche de filière
Alors que l'espèce a toujours gardé une importance certaine sur la scène européenne et internationale, particulièrement au Japon, la production avait chez nous fortement décliné au fil du temps. Ces évolutions techniques ont permis à la giroflée, historiquement présente de longue date dans l'offre varoise mais en nette perte de vitesse, de regagner du terrain dans le département. Indispensable à cette relance de la production, le travail de recherche s'accompagne d'une action marketing mise en œuvre par Hyères Hortipole en lien avec la SICA Marché Aux Fleurs de Hyères afin de présenter les nouvelles variétés aux acheteurs et de préparer leur entrée sur le marché .
Sur la saison 2012/2013, la SICA MAF de Hyères a ainsi enregistré un volume global de plus de 400.000 tiges, soit une progression de plus de 50 % par rapport à la saison précédente. Une tendance qui se confirme puisque cette saison on recense 21.870 m2 en production contre 13.770 m2 lors de la dernière campagne. "Malgré un début de saison relativement crispé, note Gilles Rus, responsable développement de la SICA, la demande répond assez favorablement à cette augmentation avec des prix moyens qui restent plutôt stables alors que l'offre a encore progressé d'environ 45% sur le marché".
A ce jour, on compte 17 producteurs de giroflées dans le département.
Philippe et Isabelle Camoin ont intégré la culture dans un cycle de rotations voilà quatre ans. Reconvertis dans l'horticulture en 1994, les Camoin ont repris l'exploitation familiale à Carqueiranne. A leurs débuts ils plantent 1.500 m2 de vieilles serres en renoncules. En 2001, le couple agrandit l'exploitation de 3.000 m2 de serres multi chapelles. Mais des difficultés liées à la saisonnalité (coût et gestion de la main d'œuvre) combinées à un problème récurrent de fusariose conduisent les Camoin à reconsidérer leur activité. Ils s'orientent vers l'anémone hors-sol et complètent avec de la giroflée. La culture s'intègre dans un planning de production où suivent pivoines et célosies. Le rythme est soutenu et le tri des plants de giroflées qui reste une opération fastidieuse, faute de temps, ne se fait pas au sein de l'entreprise.
Si la giroflée, culture à froid, est assez peu exigeante en termes de température, d'eau et d'engrais, l'enherbement est un facteur à bien maîtriser. Philippe et Isabelle Camoin ont opté pour la désinfection à la vapeur après germination avant de préparer le sol avec un apport de fumure et de fertilisants minéraux. Un achat groupé leur a permis de négocier le matériel de désinfection à tarif préférentiel. L'investissement valait le coup pour Philippe Camoin qui apprécie notamment d'avoir l'outil à disposition plutôt que de devoir le louer et constate l'efficacité du procédé. "Le désherbage pouvait occuper une personne, aujourd'hui le problème est résolu", souligne-t-il.
Rotation intégrée au système de production méditerranéen
Cette saison, le couple Camoin a planté quelque 40.000 plants de giroflées de six coloris différents, dont deux blancs, pour une production entre fin octobre et février. Ils prévoient désormais d'augmenter encore l'échelonnement des plantations, tout en établissant leur planning de sorte à pouvoir continuer de mener l'exploitation à deux sans avoir à embaucher.
A La Crau, sur l'exploitation de Jean-Pierre Emeric, on jongle aussi avec le calendrier de production. La giroflée a d'abord été intégrée dans une rotation avec du lisianthus qu'il est prévu de remplacer par du tournesol et de la célosie à cause de la pression du fusarium. Comme les Camoin, l'entreprise se fournit en plants de giroflées déjà triés auprès d'un opérateur formé au SCRADH. La culture a rapidement pris de l'importance ici puisque dès la première saison, 110.000 plants ont été plantés. Pour sa deuxième campagne de giroflées, l'exploitation a augmenté son potentiel de production cette saison avec plus de 160.000 plants, installés sous serre double paroi après désinfection et préparation du sol. Les plantations ont été rigoureusement échelonnées de sorte à étaler la production de fin octobre/début novembre à avril. Huit variétés sont produites sur l'exploitation. Elles ont été sélectionnées pour permettre de proposer une gamme de coloris diversifiés mais aussi en fonction de leur vigueur, de la longueur de tige et de leur caractère tantôt précoce, tantôt tardif pour une production optimisée dans le temps, explique Thierry Artufel, chef de culture.
La giroflée offre une large gamme de variétés, notamment développée au Japon où elle est une espèce phare. L'évaluation variétale reste donc un des axes majeurs de travail du SCRADH où une trentaine de variétés est actuellement à l'étude. L'enjeu, en plus d'enrichir l'offre, est d'identifier celles qui sont le mieux adaptées au système de production méditerranéen de sorte à intégrer la culture au sein de rotations performantes et innovantes.
Source : En Pays Varois - Gabrielle Lantes
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